jeudi 16 juin 2011

CIMer, ressources minérales et hautes technologies : Lever le risque de dépendance de la France et de l'Europe !

photo du laboratoire Géosciences Marines - Ifremer

France (UE) 16/06/2011 3B Conseils - BB - 2/3 - A l’occasion du CIMer (Comité Interministériel de la Mer) qui s’est tenu le 10 juin à Guérande, voir article du 14 juin (ici), Le Premier Ministre a annoncé plusieurs mesures et notamment une refonte de la délimitation du domaine maritime de la France. L’objectif est de renforcer sa protection juridique.

François Fillon qui préside le CIMer, et dont l’organisation est confiée au secrétariat général de la mer, a également mis l’accent sur la volonté du gouvernement de promouvoir l’exploitation des grands fonds marins. «Les ressources minérales profondes vont devenir un enjeu majeur. La France et l’Europe doivent se positionner rapidement» assurant – qu’une stratégie nationale – en la matière serait arrêtée d’ici fin 2011.

François Fillon a abordé en particulier la question des amas sulfurés, un minerai qui contient des éléments utilisés dans le domaine des hautes technologies.
A cette occasion, il a signalé que « La Chine et la Russie avaient déjà déposé une demande de permis d’exploration relatif aux amas sulfurés auprès de l’Autorité internationale des fonds marins (AIFM). Il a annoncé que «bientôt, nous allons pouvoir le faire à notre tour».

Nous avons demandé un article à Henri Bougault – chercheur (ex Ifremer) et intervenant au colloque - Les gîtes sous-marins profonds : une ressource de métaux pour l’avenir ?* - de faire un point pour « Science et Ethique » (ici) sur la dépendance grandissante de la France et de l’Europe en matières premières métalliques essentielles au développement économique.

Depuis trente ou quarante ans, l’offre par rapport à la demande avait fait oublier la dépendance des pays européens vis-à-vis des métaux. La croissance des pays émergents et les modifications de la demande dues aux évolutions technologiques ont conduit les pays européens, dont l’activité minière était devenue moins que modeste, à ré-identifier leur accès aux ressources minérales.
Résurgence des nationalismes juridiques des pays producteurs, projets d’interdiction d’exportations de certains minerais, et limitation d’extraction en deçà des propres besoins de certains pays producteurs, ont conduit la France et l’Europe à considérer une approche de « sécurisation de l’accès aux matières minérales ».
Devant cette situation, les ressources potentielles des grands fonds font l’objet d’intérêt, qu’elles soient localisées dans les ZEE (Zones Economiques Exclusives) sous la juridiction des états riverains, ou dans la « Zone » internationale sous le contrôle de l’Autorité Internationale, une émanation de l’ONU. Le projet industriel d’exploitation d’amas sulfurés le plus avancé est situé dans la ZEE de la Papouasie Nouvelle Guinée. Les premiers permis d’exploration d’amas sulfurés dans la « Zone » internationale sont demandés, en premier lieu, par les pays émergents ou par les pays producteurs.
Les gites sous-marins profonds concernés sont : les Amas Sulfurés, les Encroûtements Cobaltifères et les Nodules de Manganèse. Encroûtements cobaltifères et nodules de manganèse sont des matériaux de même nature (oxydes de fer et de manganèse). Les encroûtements peuvent couvrir des surfaces importantes sur les plateaux ou les guyots sous-marins (profondeur : 500 – 2000 m) tandis que les nodules tapissent certaines zones des grands fonds (4000 – 5000 m). L’intérêt des encroûtements tient à leurs concentrations en cobalt et à un moindre degré en platine et nickel. L’intérêt des nodules tient à leurs concentrations en nickel et en cuivre. Ces deux matériaux font également l’objet d’un intérêt nouveau pour les terres rares, zirconium, niobium et autres métaux intervenant dans les fabrications dites de « haute technologie ». Les amas sulfurés sont des dépôts formés par les fluides hydrothermaux qui circulent dans la croûte océanique au voisinage de l’axe des dorsales, lieu de création des fonds océaniques. Les métaux concernés sont le cuivre, le zinc et en moindres concentrations l’argent, l’or, le plomb, le galium, le germanium et autres métaux associés au soufre.
L’intérêt pour ces gisements potentiels grands fonds mobilise ingénieurs et chercheurs pour développer des méthodes d’exploration et des concepts d’exploitation. Les questions environnementales font naturellement partie de cet enjeu sous la juridiction des Etats (ZEE) ou de l’Autorité Internationale (« Zone » internationale).

Article d’Henri Bougault* pour Science et Ethique/ 3B Conseils

*Demain 17 juin : "annonce par le Premier Ministre qu'une deuxième campagne d'exploration, à Wallis-et-Futuna, serait engagée "au plus tard en 2012". Retour sur les premiers résultats de la campagne de 2010 avec Yves Fouquet intervenant au colloque "Les gîtes sous-marins profonds : une ressource de métaux pour l’avenir ? à l’Ecole des Mines de Paris, organisé par la Société de l’Industrie Minérale avec Ifremer. Un numéro spécial « actes de la conférence » doit paraître à la fin du 3ème trimestre de cette année.