jeudi 28 avril 2011

« Quels outils financiers innovants mobiliser pour les plans énergie climat territoriaux en France ? »

Au travers des défis qui aujourd’hui sont posés à notre société, c’est sans doute la manière d’appréhender la ville qui va le plus changer dans les modes de gouvernance notamment dans l’approche économique et sociétale, dans la participation citoyenne et l’appropriation des différentes composantes : la complémentarité de l’humain et de l’urbain.

C’est tout l’enjeu d’une société basée sur le développement durable et sur la capacité des Etats et les Collectivités à faire basculer leurs modes de vie, leurs modes de production et de consommation vers une démarche plus respectueuse et responsable.

« L’économie verte» c’est-à-dire la possibilité d’assurer un développement économique à partir de nouveaux métiers, de nouveaux débouchés et donc une nouvelle croissance, constitue une véritable opportunité. Dans cette perspective l’enjeu énergétique est primordial.

Les villes, si elles n’occupent que 2 % de la surface de la planète, concentrent 80 % des émissions de CO2 et consomment 75 % de l’énergie mondiale. Ainsi, l’empreinte écologique d’une ville dépasse sa superficie, et s’étend sans cesse en prélevant des ressources sur d’autres territoires. Le secteur de l’habitat à lui seul utilise 40 % des ressources de la planète en matériel et en énergie pour la construction et l’exploitation des bâtiments, produisant un tiers des émanations de CO2.

Cependant, certaines villes compactes, concentrant un nombre élevé d’habitants, mélangeant sur un même territoire les fonctions résidentielles, travail, loisirs, et ayant mis en place des systèmes de transport collectif efficaces, ont un taux d’émission de gaz à effet de serre (GES) par habitant inférieur à la moyenne du pays où elles se situent. C’est le cas par exemple de New-York (un tiers de moins) de Londres ou de Tokyo (près de 50 % de moins).

Sur un autre aspect, la réflexion à engager sur les infrastructures urbaines comme les aménagements portuaires pour les villes du littoral devra intégrer les impacts écologiques, le respect de la biodiversité et de la qualité de vie. Concevoir ces infrastructures favorisant une économie respectueuse de l'environnement, cela implique tout un ensemble de paramètres : les déplacements, la gestion des déchets, des eaux usées, le raccordement électrique…. Mais c’est aussi engager une réflexion plus large sur l’éco-conception.

Les entretiens Science et Ethique en 2009 et 2010 se sont largement penchés sur ces questions du changement climatique, de l’apport des énergies de la mer, de l’aménagement des villes et ports de demain.
Les entretiens de 2011 poursuivront cette réflexion de fond notamment sur la « croissance verte » et son financement et sur les plans climat territoriaux.

En effet, en première ligne dans la lutte contre le changement climatique, les villes ont encore peu accès aux financements prévus par le protocole de Kyoto.

Alors que le Grenelle de l’environnement oblige les collectivités de plus de 50 000 habitants à se doter d’un Plan Climat avant 2012, un certain nombre d’initiatives ont d’ores et déjà été prise par anticipation par des collectivités locales ou territoriales. (Relire l'article du blog du 11/12/2009 sur la préparation du plan climat de Brest métropole océane).

L’objectif de l’Union européenne de réduire de -20 % les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement climatique, d’ici 2020%, place ainsi les collectivités dans une nécessaire dynamique volontariste de contribution aux efforts européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Afin d’atteindre cet objectif, les collectivités territoriales notamment ont un rôle d’impulseur, et devront fédérer autour d’eux les différents acteurs du territoire engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique : collectivités locales, associations, entreprises, mais aussi les citoyens.

« Quels outils financiers innovants mobiliser pour les plans énergie climat territoriaux en France ? »

L’OCDE et la CDC Climat - filiale de la Caisse des Dépôts et consignation - ont donc présenté il y a quelques jours à l’occasion d’une table-ronde « quels outils financiers innovants mobiliser pour les plans énergie climat territoriaux en France ? », une étude "Villes et marchés du carbone" menée conjointement par les deux entités et portant sur les villes et les marchés du carbone.

Pour Pierre Ducret, président de CDC Climat, filiale de la Caisse des dépôts dédiée au changement climatique « La lutte contre le changement climatique se gagnera dans les villes ».

Les villes concentrent déjà 50 % de la population mondiale, consomment les deux tiers de l'énergie et sont responsables de 70 % des émissions de gaz à effet de serre. Et ce n'est qu'un début si l'on en juge par l'urbanisation galopante. En outre, de la construction aux transports en passant par la gestion des déchets, les autorités urbaines peuvent influer directement sur leurs émissions.

Les projets qui s'accompagnent d'autres avantages que la seule diminution de ces émissions (par exemple, la disparition de mauvaises odeurs), figurent parmi les rares ayant réussi à décrocher des fonds issus de la «finance carbone ». Sur quelque 5 milliards de dollars, en 2008, moins de 10 % des MDP (mécanismes de développement propres, pour les pays du Sud) et MOC (mises en œuvre conjointes, dans les pays développés) concernaient des projets urbains.

Pourtant, les mécanismes de projets prévus par le protocole de Kyoto qui ont permis un financement de 5 milliards d’euros en 2008 ont jusqu’à présent été peu mobilisés par les collectivités territoriales pour mettre en œuvre leurs politiques climatiques.

A travers 10 exemples de villes*, de pays développés et en développement, cette étude OCDE/CDC Climat tire deux principaux enseignements (Résumé et étude complète en ligne sur CDC Climat et sur l'OCDE) :
- En premier lieu, la valorisation des réductions d’émission de carbone dans le cadre de projets urbains concerne surtout la gestion des déchets et les réseaux énergétiques. Dans ces secteurs, elle permet de financer une part importante des investissements et de dispenser des bénéfices immédiatement perceptibles par les habitants.

- Deuxièmement, l’adoption de méthodes simples et de technologies éprouvées, une forte volonté politique, l’engagement du secteur privé plus à même de gérer les risques financiers des projets apparaissent comme les principales conditions du succès.

« Les villes sont les moteurs de nos économies mais produisent aussi la plus forte empreinte environnementale, donc la croissance verte se fera dans les villes ou elle ne se fera pas », a déclaré Joaquim Oliveira Martins, de l’OCDE.

Pierre Ducret, P-DG de CDC Climat a souligné « C’est la combinaison d’instruments innovants, avec des ressources publiques et privées qui permettra de financer la transition vers des territoires décarbonés. »

Lors de cette table-ronde les acteurs de collectivités territoriales se sont exprimés sur le sujet :

Pour Bruno Charles, Vice-président du Grand Lyon en charge de l’agenda 21, du plan climat et de l’énergie « L'agglomération a identifié la réhabilitation des copropriétés comme une cible prioritaire. Le Grand Lyon a décidé d'y consacrer 40 M€ sur 3 ans pour amorcer la dynamique. Mais cet effort budgétaire devra être relayé par d'autres types de financements. CDC Climat nous appuie dans notre réflexion, pour imaginer des solutions créatives ».

Olivier Degos, Délégué régional au Développement durable et solidaire du Conseil régional d’Aquitaine a rappelé : " deux ans après la tempête Klaus qui a dévasté le massif landais ,le partenariat avec CDC Climat et son expertise en la matière va nous permettre de contribuer aux actions de reboisement sous l'angle innovant de l'économie carbone en région ".

Les Marchés locaux

Ces mécanismes du protocole de Kyoto sont destinés à financer le coût d'une technologie permettant de réduire les émissions d'une installation, qu'il s'agisse de production d'énergie ou de transformation de déchets. Ou même d'amélioration de l'efficacité énergétique dans les bâtiments ou les transports. Mais pour ces secteurs, les méthodologies de calcul des émissions évitées ne sont pas encore au point. En outre, la conception et la mise en œuvre de « projets Kyoto » sont longues et coûteuses, et requièrent des compétences spécifiques encore peu répandues dans les équipes municipales. Comme le montre l' étude conjointe de l'OCDE et de CDC Climat, les projets urbains les plus représentés recourent à des technologies simples et éprouvées présentant une bonne rentabilité, comme la production d'énergie à partir de gaz de décharges.

Autres facteurs de réussite, un soutien du secteur privé en matière de technologie et de gestion des risques, une forte volonté politique et une bonne gouvernance. Selon l'OCDE, pour que les projets urbains accèdent plus facilement à la finance carbone, les gouvernements nationaux doivent mieux reconnaître le rôle des villes, les accompagner et pousser leurs projets auprès de la CCNUCC (Conférence-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques). Laquelle doit établir une méthodologie pour mesurer les résultats des projets urbains et clarifier le devenir du protocole de Kyoto après 2012.

Mais ces axes de progrès ne doivent pas faire oublier que d'autres pistes existent en dehors de la finance carbone internationale. Par exemple, des marchés du carbone locaux, comme celui instauré à Tokyo, ou encore des projets de compensation à l'échelle nationale. Sans compter, pour revenir à des outils plus traditionnels, un « verdissement » de la fiscalité. Autrement dit, une allocation de ressources prenant davantage en compte les caractéristiques environnementales des projets.


Pour aller plus loin sur le changement climatique :


















Rappelons que la question du changement climatique a été le fil conducteur des entretiens Science et Ethique 2009 « l’Heure bleue : le changement climatique et les énergies de la mer ».

Nous vous invitons à retrouver quelques des interventions sur ce sujet :

- « Management du projet européen sur les conséquences du changement climatique : l'acidification des océans », par Lina Hansson, project manager du projet EPOCA (European Project on Ocean Acidifacation - Laboratoire d'océanographie de Villefranche sur Mer en partenariat avec Roscoff, l'IPEV...) ICI

- « Le rôle tampon de l’océan dans l’absorption du CO2 et conséquences dans le cadre du changement climatique", par Sabrina Speich, (Italie) chercheur au Laboratoire de Physique des Océans, LPO-IUEM-UBO ICI


* Lille (France), la Rhénanie du Nord-Westphalie (Allemagne), Timisoara (Roumanie), Hô-Chi-Minh- Ville (Viêt Nam), Christchurch et Palmerston North City (Nouvelle-Zélande), Durban (Afrique du Sud), Bogota (Colombie), (Mexique) et Sao Paulo (Brésil).


Article RH 3B Conseils
Sources CDC Climat / OCDE / entretiens Sciences et Ethique
photo : CDC / BMO