mercredi 15 juin 2011

le Royaume-Uni évalue le prix de la Nature




La Convention sur la diversité biologique (*)CDB - , adoptée en 1992 au Sommet de la Terre de Rio, première convention internationale concernant la biodiversité, ratifiée à ce jour par environ 190 pays (dont la France depuis le 1er juillet 1994) a pour objectifs « la conservation de la diversité biologique, l'utilisation durable de ses éléments et le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques » (article premier).
Elle est ainsi le premier accord mondial complet à prendre en compte tous les aspects de la diversité biologique : les ressources génétiques, les espèces, les écosystèmes.

 Elle reconnaît dans son préambule que la conservation de la diversité biologique est « une préoccupation commune à l'humanité »
, et fait partie intégrante du processus de développement.
Afin d'atteindre ses objectifs, la convention entend favoriser un partenariat renouvelé entre les pays. Ses dispositions sur la coopération scientifique et technique, sur l'accès aux ressources génétiques et sur le transfert de technologies sans danger pour l'environnement sont à la base de ce partenariat.


Si les objectifs du Sommet de la Terre, où les chefs d’État s’étaient engagés à réduire de façon significative, d’ici 2010, l’érosion de la biodiversité, sont en deçà des objectifs initiaux, la CDB a fait l’objet d’un réexamen par la conférence des Parties (signataires) à Nagoya au Japon en octobre 2010. Le Protocole de Nagoya qui qui y a été adopté, doit entrer en vigueur d’ici 2012, avec un soutien du Fonds pour l’environnement mondial d’un million de dollars US afin de faciliter une entrée en vigueur rapide.

Rappelons que« Nagoya » a atteint trois buts :
- l’adoption d’un nouveau Plan stratégique de dix ans pour guider les efforts internationaux et nationaux pour sauver la biodiversité par l’action accrue afin de rencontrer les objectifs de la Convention sur la diversité biologique,
- une stratégie de mobilisation des ressources fournissant une voie pour l’avenir afin d’augmenter de façon substantielle les niveaux actuels d’aide publique au développement en soutien à la biodiversité,
- un nouveau protocole international sur l’accès et le partage des avantages issus de l’utilisation des ressources génétiques de la planète.



Le coût économique de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes


Depuis peu, une autre approche, qu’on espère plus stimulante, prend de l’ampleur : la mise en avant de l’importance économique des services rendus par les écosystèmes : par exemple la purification de l’air et de l’eau, le recyclage de la matière organique, la régulation du climat, ou encore la production de biens de consommation.


Aujourd’hui, le principal indicateur de richesse utilisé, le PIB, ne tient pas compte de la valeur de la nature et des pertes engendrées par son érosion. C'est tout l'enjeu des discussions internationales : mesurer le coût économique de la biodiversité et des services rendus par les écosystèmes.



À Nagoya, l’économiste indien Pavan Sukhdev remettait les conclusions d’une l’étude « Économie des écosystèmes et de la biodiversité » - qu’il coordonnait depuis mai 2007 à la demande de l’Union européenne - inspirée du rapport de Nicholas Stern sur le coût du changement climatique, Il s'agissait avec cette étude de fournir une évaluation complète et convaincante afin de défendre la biodiversité et redonner à la nature un prix.


Au terme de la première phase de ses travaux Pavan Sukhdev déclarait que "si nous n'adaptons pas les politiques appropriées, le déclin actuel de la biodiversité et la perte de services rendus par les écosystèmes vont se poursuivre et dans certains cas vont même s'accélérer. Certains écosystèmes sont susceptibles de souffrir de dommages irréparables."

Les premières victimes de cette dégradation seraient les pays les plus pauvres.

Si rien n'est changé de façon radicale "d'ici 2050, une diminution de 11 % des zones naturelles restantes en 2000 est à craindre, principalement en raison de la conversion de ces terres à l'agriculture, du développement des infrastructures et du changement climatique. 
Près de 40 % des terres actuellement exploitées pour des formes d'agriculture peu intensive pourraient être converties en terres d'agriculture intensive, ce qui entraînerait des pertes supplémentaires de biodiversité. Enfin, 60 % des récifs coralliens risquent de disparaître d'ici 2030 du fait de la pêche, des maladies, des espèces allogènes envahissantes et du blanchissement des coraux lié au changement climatique. Ce qui causerait un appauvrissement de la vie sous-marine. 
Ce phénomène coûterait 100 milliards de dollars, 27 millions d'emplois mais aussi des pertes en apport de protéines à une population de près d'un milliard de personnes".


La question du prix de la nature fait débat depuis plusieurs années. Ainsi la revue Nature avait posé le débat en publiant en 1997 une étude estimant la biosphère - ensemble du patrimoine naturel de la planète - entre 16.000 et 54.000 milliards de dollars, à comparer avec le PNB mondial de l'époque, de 18.000 milliards.

Un Livre blanc au Royaume-Uni

Pour sa part le gouvernement britannique a commandé un rapport scientifique - 2000 pages rédigé par 700 chercheurs - rédigé sous l’égide de la National Ecosystem Assessment (NEA). Ainsi pour le Professeur Bob Watson (**), directeur scientifique du ministère de l'Environnement britannique, qui a piloté cette « Evaluation de l'écosystème national », «Nous valorisons en général seulement les biens de l'environnement que l'on achète et que l'on vend sur le marché et les autres biens sont sous-évalués dans les décisions politiques».

Lors de sa présentation publique la Secrétaire à l’environnement Caroline Spelman, déclarait « nous avons besoin de la nature pour vivre car elle nous fournit des choses fondamentales comme de la nourriture, de l’eau et de l’air propre. Mais nous n’apprécions pas forcément à leur juste valeur les avantages qu’elle a sur la culture et la santé, car nous en bénéficions gratuitement ».

Ce Livre Blanc conclut que la nature, est assurément contributrice à l’économie du pays et y inclut pratiquement toutes les contributions économiques de huit types de paysages, comme les zones boisées, le littoral et les zones urbaines.
Il considère également que les insectes pollinisateurs représenteraient 430 millions £ (480 M€) pour l’économie, et les terres inondées intérieures doivent être évaluées à 1,5 milliard £ (1,68 MM€) car elles sont en mesure de produire de l’eau propre.. Qu'avoir le privilège de regarder un espace vert depuis sa fenêtre vaut 300 livres sterling par an (336 €) , que les abeilles et autres insectes pollinisateurs rendent un service à l'économie britannique à hauteur de 430 millions de livres (482 millions d'euros).

A Quand une telle évaluation en France ?




(*) Cette convention vise trois objectifs :

• la conservation de la biodiversité ;

• l’utilisation durable des espèces et des milieux naturels ;

• le partage juste et équitable des bénéfices issus de l’utilisation des ressources génétiques.

Elle est à l’origine de l’élaboration de stratégies pour la biodiversité au niveau pan européen, communautaire et national.

(**) le Pr Bob Wantson est ancien patron du Giec (le groupement intergouvernemental de l'ONU pour l'étude du climat


Article RH 3B Conseils

Sources : bbc.co.uk/news / NEA