mercredi 20 juillet 2011

La Bretagne hostile au projet de PCP

Nos évoquions le 4 juillet dernier (relire l’article du blog du 4/07/2011) le projet de réforme pour la politique commune des pêches, présenté par la Commissaire européenne Maria Damanaki, le 13 juillet 2011, et les remous que ce projet suscitait dans la filière pêche avant même sa publication officielle.

En Bretagne dont la pêche est un des secteurs économiques traditionnels , le projet fait des vagues… Ainsi la Région conteste-t-elle les orientations et les mesures préconisées par la Commission européenne.

Pour le Président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian, ce « paquet PCP » qui déterminera les activités de la pêche pour les 10 années à venir n'est pas acceptable en l’état : « Pour la première fois, la Commission européenne ne considère plus la pêche comme un enjeu économique et social et s'apprête à assumer des pertes d'emplois et des baisses d'activités conséquentes ».
La Région considère que l’Europe, a renoncé à ouvrir le chantier de la pêche durable, se limitant à la gestion des ressources.

Trois points font l’objet de vives critiques du Président Le Drian :

- Sur la question des QIT
Le Conseil régional considère que «la Commission souhaite rendre obligatoire un système de QIT rebaptisés pour l'occasion "concessions de pêche transférables". « Ce système de droits transférables constituent une privatisation de la ressource halieutique qui va à l'encontre d'une gestion équilibrée, responsable et partagée de ce patrimoine commun. Alors que la Commissaire reconnaissait il y a quelques jours que "les stocks sont une ressource commune", en les privatisant elle se décharge de toute responsabilité. L'instauration de QIT ouvre la porte à la concentration et à la spéculation prenant le risque d'une financiarisation déconnectée de l'activité économique de la pêche. »

- Sur "Le débarquement des captures" (ou l'interdiction des rejets)

Si la Région Bretagne partage l’importance d’une réduction progressive des rejets notamment grâce à l'utilisation d'engins de sélectivité, le débarquement de toutes les captures lui apparaît contradictoire avec les objectifs environnementaux affichés. En effet, derrière le "zéro rejet" se dissimule le développement des industries minotières et la transformation des ressources en farines animales. De plus, le Président Le Drian souligne "l'infaisabilité et les risques d'insécurité à bord induits par une telle mesure sans renouvellement et modernisation des navires."

- Sur "La régionalisation accrue"
La Commission entend "régionaliser" les mesures de préservation de la ressource au niveau des bassins maritimes. « Cette proposition qui aurait pu permettre une meilleure prise en compte des réalités territoriales cache en réalité un retour à une gestion nationale de la PCP. Ce sont en effet les Etats qui prendront les décisions, notamment en matière de droits de pêche transférables. Les Régions n’auront pas leur mot à dire et resteront exclues des conseils consultatifs (CCR) par bassin maritime. »

La Bretagne compte faire entendre sa voix et avance ses propositions :

La taille des navires seule ne suffit pas à définir une pêche durable. La Région Bretagne croit en une pêche diversifiée en équilibre sur trois piliers : l'économie, l'environnement et le social.

« Pour gérer la ressource de manière réellement durable, il est indispensable de définir sans a priori des critères pertinents de durabilité. Quelques exemples : l’énergie consommée ou le nombre d’emploi créés par kilo de poisson débarqué, ou encore la sélectivité des engins de pêche. Nous proposons donc un référentiel de pêche durable. »
« Toutes les dimensions du développement durable méritent d'être intégrées, car la pêche ce sont avant tout des hommes et des territoires sur lesquels la Commission reste muette ».

Le Président Le Drian regrette "que la modernisation et le renouvellement de la flotte soient totalement absents du texte, de même que l'innovation est limitée à la question des contrôles. Ce sont pourtant des leviers essentiels pour améliorer à la fois les économies d'énergie, la sélectivité, la compétitivité, le confort à bord et plus largement la sécurité des hommes. »

Pour préserver la ressource, il faut d’abord la connaître, ce qui n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui. Or la Commission renvoie la responsabilité de la qualité de l’expertise scientifique aux Etats, ce qui est déjà le cas aujourd’hui. Il faudrait pourtant dégager des moyens supplémentaires et coordonner les efforts au niveau européen, en s’appuyant entre autre sur l’expertise des pêcheurs eux-mêmes. "Les stocks halieutiques n’ont que faire des frontières des Etats" rappelle le Président Le Drian.

Pour la Région les impacts socio-économiques sur les territoires de la nouvelle PCP sont insuffisamment pris en compte. Mais d'ores et déjà les études d'impacts jointes au paquet PCP font état de 10 à 20 % de suppressions d'emplois directs embarqués, ce qui impliquera la perte de dizaines de milliers d'emplois dans l'ensemble de la filière.

Pour la Région Bretagne, il s'agit aujourd'hui du début d'une bataille qui sera longue, notamment au niveau du Parlement européen, conséquence directe de la codécision introduite par le traité de Lisbonne.
Pour faire valoir ses propositions d’alternatives au projet de règlement PCP, la Région Bretagne s'est alliée avec les autres Régions françaises dans le cadre de l’Association des Régions de France et collabore avec les Régions européennes dans le cadre de la Conférence des Régions Périphériques Maritimes (CRPM) - dont Jean-Yves Le Drian assure la présidence). « Il est indispensable que les Régions se fassent entendre auprès des instances européennes pour une préservation des enjeux socio-économiques de leurs territoires et que le gouvernement français prenne la mesure de la gravité de la situation. »

Pour aller plus loin :

- Relire également quelques-uns des articles parus dans le blog : le 10/11/2009, le 29/04/2010, le 03/05/2010

- Consultez les statistiques de la PCP

- Vous pouvez retrouver les débats des entretiens Science et Ethique 2004 qui abordaient ces problématiques au travers du thème « Les pêches et les avancées scientifiques ».







Les questions liées à la pêche (gestion de la filière, ressources halieutiques, gestion durable des espèces, biodiversité du littoral, PCP, conflits d'usages, avancées scientifiques et techniques) sont autant de sujets traités années après années lors des entretiens Science et Ethique.

Vous pouvez vous référer aux archives des entretiens et retrouver l'ensemble des interventions des acteurs de la filière de la pêche et les débats en vidéos.



Vous trouverez notamment les interventions des représentants du comité régional des pêches maritimes :

André Le Berre (président),
 Gérald Hussenot (secrétaire général),
 Violaine Merrien (chargée de mission).

Article RH 3B Conseils
Sources : Région Bretagne